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publié sur le site en 2021
Les pulsions suite
Evidemment la pulsion sexuelle, qui nous pousse à nous reproduire et qui viendra donc servir l'instinct de reproduction dont l'objectif est de renouveler les membres d'une espèce.
Une pulsion homéostasique (c'est une proposition de Jean-Luc Aubert, chaine youtube « questions de psy ») qui aurait comme fonction de rétablir un équilibre psycho-physiologique de base quand il est perturbé en cas de maladie ou de déséquilibre. Agir sur son corps, sur l'environnement ou demander de l'aide pour rétablir cet équilibre. Cette pulsion servirait alors les instincts d'autoconservation et peut-être d'évolution.
Y aurait-il une pulsion de déplacement qui amène à bouger, utiliser son corps et sa faculté à se déplacer dans l'espace? Elle servirait les instincts d'auto-conservation, d'évolution, de régulation, d'agroupement et de reproduction. A ne pas confondre avec le mouvement qui n'est pas forcément un déplacement.
Une pulsion d'appropriation « c'est à moi ça » qui nous amène à emporter des choses à les faire notre. Elle serait certainement à la base de la notion de propriété, individuelle ou collective. Elle servirait l'instinct d'auto-conservation et peut-être d'association (possession collectives). Ou alors peut-être n'est-ce qu'un comportement qui découle de la pulsion orale qui nous amène à mettre en nous la nourriture, à nous approprier pleinement les nutriments. Comme une sorte d'évolution de cette pulsion primaire qu'est la pulsion orale.
Pour moi les notions freudiennes de pulsion de vie et de pulsion de mort issues de sa deuxième topique n'ont pas de sens selon la définition et la description des pulsions à laquelle j'adhère et qui vient de sa première topique. Pour moi toutes les pulsions oeuvrent à la vie dans le sens où elles viennent servir les instincts qui ont comme but la survie de l'espèces et donc des individus.
On peut aussi penser les pulsions en deux groupes :
Le premier qui correspondrait à des pulsions primaires, celles qui renvoient à des besoins corporelles, présentent dès le début de la vie. Les pulsions orales, annales, urétrale, scopique, d'agrippement, d'interpellation, d'inspiration, homéostatique, de destruction et sexuelle.
Le deuxième qui correspondrait à des pulsions secondaires, sortes d'évolution, de développement des pulsions primaires, permises par le développement neuro psycho-physiologique de l'individu. La pulsion K évolution de la pulsion scopique, pulsion de découverte évolution aussi de la pulsion K, la pulsion d'appropriation évolution de la pulsion orale, la pulsion d'agrégation ou d'agroupement évolution de la pulsion d'agrippement, la pulsion agressive évolution de la pulsion de destruction, pulsion de manipulation évolution de la pulsion d'agrippement, pulsion de trace, évolution de la pulsion d'interpellation. C'est une autre manière de penser les pulsions et leur organisation innées en fonction du développement du sujet humain. Sachant qu'ensuite l'évolution suivante sera le développement de comportement plus complexes, stratégies de mise en acte de ces pulsion, comme vu précédemment.
On pourrait aussi penser les pulsions en fonction du type de besoins qu'elles concernent :
- les besoins physiologiques : pulsions orale, annale, urétrale, d'inspiration, pulsion homéostatique, pulsion de destruction, pulsion de déplacement
- les besoins relationnels : pulsion de trace, pulsion d'interpellation, pulsion d'agrippement, pulsion d'agrégation ou d'agroupement, pulsion agressive
- les besoins d'appréhender l'environnement : pulsion scopique, pulsion K, pulsion de déplacement, pulsion de manipulation, pulsion de découverte
Evidemment cette liste des pulsions n'est pas exhaustive, elle est en construction dans le cadre que je propose ici d'une nouvelle manière de penser les instincts et les pulsions.
Pulsions VS réflexes
Il me semble important de bien différencier les pulsion des réflexes. Par exemple, il y a la pulsion orale et elle est différente du réflexe de déglutition. Ce réflexe participe à la résolution de la pulsion orale, elle en est même peut-être le mouvement qui permet sa résolution, mais elle n'est pas la pulsion. Idem pour la pulsion d'interpellation qui ne se réduit pas au réflexe de cri ou la pulsion d'agrippement au réflexe de préhension et la pulsion d'inspiration n'est pas la même chose que le réflexe de respirer.
Si le réflexe est aussi un processus inscrit de manière innée en nous, c'est un processus quasiment automatique en ce sens qu'il ne passe pas par le cerveau, c'est une boucle neurologique raccourcie action-réaction ultra rapide qui passe par la moelle épinière et nous permet de réagir instantanément. C'est donc un processus simple et très rapide sur lequel notre cortex n'a pas d'action possible aussi bien activatrice qu'inhibitrice. D'ailleurs les réflexes n'ont qu'un seul objectif face à une situation d'urgence, la survie de l'individu, en cela ils ne servent que l'instinct d'autoconservation et dans un enjeu d'immédiateté. Ils se sont pas contrôlables.
Alors que les pulsions, qui sont aussi des processus innés en nous, sont plus complexes et leur l'objectif est de nous amener à répondre à des besoins fondamentaux, par le biais d'action (le mouvements) pour servir les instincts. Les pulsions font intervenir nos sens, notre appareil neurologique, notre cerveau, notre appareil psychique et notre motricité (nos muscles). Il se sert donc de nos perceptions et de la partie volontaire de notre réactivité. Nous avons donc la possibilité d'avoir un contrôle dessus. Nous pouvons agir sur nos pulsions et leur déroulement. Nous pouvons modifier l'objet et la voie de réalisation du but pulsionnel (le but, lui, est toujours l'apaisement de la tension qui sous tendant la pulsion.) Nous pouvons donc transformer, dévier, agencer le destin pulsionnel en nous. Et c'est une bonne nouvelle !
C'est une différence fondamentale qui même si elle paraît évidente quand elle est exprimée, ne l'est pas tant que cela pour beaucoup de personne quand ils entendent parler de pulsion.
La représentation psychique de la pulsion
Ce qui permet cela c'est le fait que notre rapport aux pulsions, au processus pulsionnel, va s'inscrire en nous de manière à devenir une représentation psychique et non plus seulement un processus corporel. Freud dit d'ailleurs que la pulsion est le représentant mental ou psychique de la tension interne ou du moins que la pulsion est un concept limite entre le psychisme et le somatique (« Trois essais sur la théorie de la sexualité »). C'est à dire qu'il y a ce qui se passe dans le corps, la tension, la voie d'apaisement de cette tension et la réaction corporelle pour apaiser la tension. Il y a ce qui se passe au niveau mental, le déplaisir, le soulagement, l'apaisement, la frustration. Puis il y a l'inscription psychique de la pulsion, c'est à dire la création d'une représentation interne de l'enjeu pulsionnel, de ce qui se passe en nous à ce moment-là.
La création d'une représentation interne de la tension pulsionnelle et de son destin pourrait ressembler à la mémorisation de ce qui se passe en nous dans l'enjeux pulsionnel, mais en fait cela va plus loin, car une représentation interne n'est pas juste l'inscription brute d'une information dans notre mémoire C'est l'inscription de quelque chose en nous colorée d'un sens d'une compréhension qui nous est propre et qui fait que ce quelque chose nous appartient désormais. C'est donc une inscription psychique qui prend une forme et un sens particuliers en nous, qui nous est propre. Elle est subjective. Elle va ainsi devenir un constituant de notre monde interne, reflet subjectif (personnel) à l’intérieur de nous du monde extérieur et de qui je suis dans ce monde. C'est ce qui constituera notre réalité, par opposition au réel qui lui serait le monde extérieur objectif, non transformé par le filtre de notre subjectivité, de notre interprétation. Cela nous permet entre autre de ressentir dès lors une certaine maitrise sur la situation et modifie l'impact qu'elle a sur nous, elle est moins inquiétante.
Ainsi donc une fonction de la création d'une représentation psychique de la tension pulsionnelle en nous est de permettre que l'on puisse transformer l'impact de cette tension interne sur nous et d'adapter notre manière d'y réagir.
De fait quand elle est incompréhensible, la tension interne est désagréable, nous semble non maitrisable et est donc terrifiante, anxiogène. Quand elle est connue, quand elle est devenue une représentation psychique, elle est désagréable mais plus terrifiante. Nous ne sommes plus obligé de nous y soumettre, nous pouvons adapter notre manière de faire avec.
Par exemple quand le nourrisson a faim, il ressent la tension interne générée par la faim qui est à la base de la pulsion orale et cette tension dans son corps génère de l'angoisse en lui (on l'imagine en tout cas aux vues des cris que cela lui arrache). En effet son appareil neurologique n'est pas assez développé pour qu'un appareil psychique soit constitué, et donc peuplé de représentations internes. Son vécu de cette tension liée à la pulsion et de sa résolution est donc brut, sans filtre. On imagine donc que quand la tension s'impose à lui il la ressent comme une menace de destruction interne. Quand il absorbe le lait il vit une jouissance orale totale et quand la tension interne liée à la sensation de faim se résout en s'apaisant, il ressent alors une plénitude totale car en plus du plaisir orale pris, la disparition de la douleur liée à la tension interne apaise la terreur. En grandissant, une personne qui a faim, sait que cette sensation signifie qu'il a faim, cette sensation dans son corps est désagréable et le pousse à aller absorber de la nourriture pour apaiser la tension interne. Mais il ne ressentira pas d'angoisse car cette motion pulsionnelle est devenue une représentation interne. Il n'a pas juste mémorisé la sensation que fait la tension interne, il a intériorisé l'enjeu de cette pulsion, il sait à quoi cela correspond en lui et ce qu'il lui faut faire pour la résoudre et aussi il sait que ça n'est pas dangereux immédiatement. Le plaisir oral qu'il prendra à manger et la promesse d'apaisement de la tension associée à la faim le pousse à aller manger. Au pire, il devra attendre pour manger et fera face à une frustration momentané qui pourra peut être le troubler mais qu'il gérera au niveau interne en réprimant momentanément cet enjeu pulsionnel, mais sans ressentir, normalement, une angoisse particulière.
Une autre fonction de la création d'une représentation psychique de la tension pulsionnelle en nous qui découle du point précédent (transformer l'impact de cette tension interne sur nous) est la possibilité d'adapter notre manière d'y réagir. Cela correspond à la possibilité de secondariser une réaction. C'est à dire que plutôt que de réagir spontanément, de manière primaire, on va pourvoir différer notre réponse, le temps d'adapter notre réaction aux exigences culturelles du groupe au sein duquel on est à ce moment-là.
En résumé, cette qualité de malléabilité des pulsions en nous et cette possibilité de suspendre l'enjeu pulsionnel sans que ça ne soit ni terrifiant ni insupportable introduit l'idée d'une spécificité humaine du traitement des pulsion. En effet le principe de représentation psychique est très important, car il est à la base de ce qui nous permet à nous, humains, de suspendre l'enjeu pulsionnel (répression temporaire de la pulsion) pour en différer la résolution. Or c'est, entre autre, cette capacité à supporter la non réalisation immédiate du but pulsionnel qui va nous permettre de transformer l'enjeux pulsionnel en adaptant la manière d'atteindre son but sans que cela ne nuise à notre inscripion dans le groupe (secondariser). Autrement dit, réhabiliter l'importance des pulsions en nous ne signifie absolument pas dire que nous devons laisser nos pulsions dicter nos actes. Au contraire, comprendre notre fonctionnement pulsionnel nous aidera à adapter la gestion de nos pulsions à la réalité de notre environnement, c'est à dire la vie en groupe.
Les spécificités humaines du traitement des pulsions
D'après moi l'une des grandes spécificités de l'humain par rapport aux pulsions est la capacité à agir sur elles sans les annuler mais en les transformant. Il me semble alors pertinent de faire ressortir trois types de transformations adaptatives possibles de l'enjeu pulsionnel : l'aménagement de la pulsion, la sublimation de la pulsion et le refoulement de la pulsion. Les deux dernières Freud en a longuement décrit les mécanismes.
Avant d'aller plus loin dans la description de ces trois mécanismes de transformation des pulsions, je m’intéresserais à pourquoi ce mode de traitement si élaboré des pulsions c'est avéré nécessaire chez l'humain.
L'hypothèse la plus logique est que l'humain a développé, et continue à développer, cette spécificité dans la gestion de ses pulsions en étroite connexion à la stratégie qui lui a permis de survivre (et qui a plutôt bien marché) : la grégarité. Nous pouvons même parler d'une forme spécifique de grégarité, une sorte de « méga-grégarité » qui consiste à se rassembler en méga-groupe organisés de plusieurs milliers voir millions d'individus, des sociétés.
Or ce mode de vie groupal, quel qu'en soit la forme, exige des compromis. C'est à dire que tous les membres du groupes ne peuvent aspirer en même temps à la satisfaction immédiate de leur besoins, de leurs envies et de leur but pulsionnels. Ainsi vivre ensemble, à un nombre élevé d'individus, nécessite forcément que certains individus ou que tout les individus du groupe gèrent leur besoins, envies et pulsions de manière à en supporter la non satisfaction immédiate. C'est à dire que ces individus doivent pouvoir renoncer à la satisfaction immédiate de leurs besoins, envies et pulsions. Selon les espèces cela s'organisera différemment. Au sein de beaucoup d'espèces animales la logique du dominant et des dominés s'applique. C'est l’archétype de la relation de pouvoir, la loi du plus fort, la logique de la horde selon Freud (Or ce mode de vie groupal, quel qu'en soit la forme, exige des compromis. C'est à dire que tous les membres du groupes ne peuvent aspirer en même temps à la satisfaction immédiate de leur besoins, de leurs envies et de leur but pulsionnels. Ainsi vivre ensemble, à un nombre élevé d'individus, nécessite forcément que certains individus ou que tout les individus du groupe gèrent leur besoins, envies et pulsions de manière à en supporter la non satisfaction immédiate. C'est à dire que ces individus doivent pouvoir renoncer à la satisfaction immédiate de leurs besoins, envies et pulsions. Selon les espèces cela s'organisera différemment. Au sein de beaucoup d'espèces animales la logique du dominant et des dominés s'applique. C'est l’archétype de la relation de pouvoir, la loi du plus fort, la logique de la horde selon Freud ("Totem et tabou"-1923, 1965 Payot). Ainsi le dominant satisfait en priorité ses besoins, envies et pulsions, et les autres après, si c'est possible et suivant une logique hiérarchique. Chez certaines espèces, plutôt les insectes vivants en colonies, l'enjeu individuel ne semble pas exister, chaque membre semble au service du groupe, les besoins envies pulsions sont satisfaites dans le but d'accomplir sa tâche pour le groupe. Ici la subjectivité semble totalement absente au profit d'une organisation entièrement centrée sur l'intérêt du groupe.
Dans l'espèce humaine cette stratégie d'organisation en hyper-groupes, associée à l'évolution de son environnement, de sa physionomie, de son alimentation etc., a nécessité et généré le développement de facultés cognitives particulières entrainant une forme de conscience spécifique de soi-même, des autres et de son environnement. Cela a aboutit à la faculté psychique d'abstraction et de symbolisation menant à des interactions complexes et à des langages complexes. Cela a représenté une certaine voie d'évolution favorisant la survie des individus, des groupes et du coup de l'espèce. Ces facultés particulières ont été liées à la complexification du monde mental de chaque individu et des groupes, à un développement particulier du cerveau et à la complexification conjointe de l'appareil psychique individuel pour traiter ce qui relève du monde interne de chacun et d'appareils psychiques groupaux (René Kaes : « l'appareil psychique groupal » , Dunod, février 2010 (3ème édition)) pour traiter ce qui relève des représentations communes à tous les membres des groupes, leur permettant de structurer ce qui les relie. Ces deux appareils psychiques étant évidemment intimement interconnectés et constituant ce que l'on appelle globalement « l'appareil psychique ».
Donc chez nous, les humains, l'appareil psychique et le langage complexe ont permis l'évolution vers un autre système, une autre logique, d'organisation groupale. Ce que l'observation et l'histoire moderne nous montre c'est que le système qui s'impose de plus en plus au fur et à mesure de l'évolution des humains, et qui est encore en cours de construction, est la reconnaissance comme sujet (comme une personne) de chaque membre du groupe, de la communauté, de la société et même de l'espèce voir, mais là il y a encore du chemin à faire, voir du vivant. Cependant il me semble important de noter que nous sommes encore pleinement dans cette évolution qui est loin d'être aboutit. La logique de pouvoir semble parfois tellement reprendre ses droits dans les groupes humains, que nous paraissons en fait incapables d'en sortir réellement malgré notre aspiration manifeste à d'autres fonctionnements.
Parenthèse : Evidemment ma manière de le formuler ici est très simpliste et idéaliste quand on voit le nombre faramineux de discriminations ou de situations d'esclavage qui continue à exister dans presque toutes les sociétés et cultures humaines. Cela montre dans le processus de faire groupe, la difficulté encore bien présente de définir qui fait partie du groupe à part entière. Mais gageons que cela fait parti du mouvement lent de l'évolution et que nous sommes en bonne voie d'arriver un jour à la logique que nous faisons tous parti du groupe des humains : femmes, hommes, enfants, vieux, jeunes, noirs, blancs, hâlées, homosexuels, hétérosexuels,etc., bref quelles que soient nos caractéristiques physiques, spirituelles, goût, origines, etc.
Ainsi au sein d'un groupe humain, le principe de la loi est venu instiller l'idée que tous les membres du groupe ont droit à la protection par cette loi, dans le cadre singulier de cette loi, même si ça n'est pas forcément à égalité. Cette contrainte collective a forcément exigé chez chaque individu la nécessité de développer des capacités de transformations pulsionnelles, pour que les pulsions des uns n'empêchent pas les autres de vivre, toujours dans les cadres singuliers des lois de chaque pays, cultures, communautés. L'enjeux ici n'est pas de juger individuellement ces cadres singuliers des lois, mais bien de décrire le processus commun qui est sous-tendu par le principe d'une loi pensée, écrite, et partagée par tous.
Pour cela il a fallu que l'appareil psychique permette à chacun dans le groupe que ses pulsions ne s'expriment plus de manière brut, primaire. C'est à dire que pour passer d'une logique de meute, où l'expression pulsionnelle permet de définir un dominant qui peut être dans la réalisation immédiate et entière de ses buts pulsionnels au détriment des autres membres, donc une logique de pouvoir, a une logique où chacun a droit à une satisfaction pulsionnelle mesurée au sein du groupe, où chaque individu limite la satisfaction de ses pulsions là où l'être des autres dans le groupe commence, c'est à dire que l'intégrité des plus faibles est garantie par le groupe pour leur survie contre la puissance des plus forts, il a fallu adapter les modalités de réalisation de chaque pulsion au sein des groupes. Et pour cela l'appareil psychique a trouvé trois modes positifs d'adaptation des modalités de réalisation des buts pulsionnels : L'aménagement, la sublimation et le refoulement.
D'abord la pulsion sur laquelle on opère aucune transformation :
Il y a au moins une pulsion que l'on ne transforme pas. C'est la pulsion d'inspiration. Dans la fonction respiratoire, il y le fonctionnement automatique et le fonctionnement volontaire. L'absorption d'air, et donc d'oxygène, est un des besoins les plus impérieux à chaque instant. L'oxygène est en effet l'élément dont le manque nous tue le plus vite, quelque minutes suffisent. S'il y a la respiration automatique, il y a aussi une pulsion d'inspiration que l'on ressent facilement quand on retient sa respiration et qui fait appel à la respiration volontaire. Au bout d'un court moment on sent une tension interne et la nécessité absolue d'inspirer. Et si on ne le fait pas volontairement une sorte d'inspiration automatique prend le relais. Il est intéressant de repérer d'ailleurs que cette pulsion d'inspiration est si forte, que même si on est sous l'eau, au bout d'un moment, le manque d'air nous conduira à inspirer quitte à inspirer de l'eau et à nous noyer. On retrouve donc bien le besoin : absorber de l'oxygène - la tension interne : douleur pulmonaire, le mouvement pour apaiser cette tension : inspirer, et l'association plaisir (l'entrée de l'air dans les poumons, même si là le plaisir n'est pas d'une grande intensité) et soulagement afférent à l'arrêt de la tension désagréable. Cette pulsion dans quelque culture que ce soit ne nécessite aucun aménagement. Cette pulsion d'inspiration correspond au besoin le plus fondamental en nous, le plus immédiat. Pour l'instant je n'en vois pas d'autre que l'on ne transforme pas. Même la pulsion scopique (regarder) va devoir subir un aménagement dans certaines situations alors qu'on pourrait penser que cet enjeu du regard ne porte pas les exigences sociales nécessitant une adaptation. Or la manière dont on regarde les autres ou chez les autres, dans certaines situations, la manière dont on évite de regarder l'intimité ou certaines parties du corps de l'autre, etc. demande au moins des aménagements. (Pour un exemple de ce phénomène, voir dans le film « Mon nom est personne » la scène dans les urinoirs qui illustre bien cette exigence sociale occidentale et l'effet gênant du regard impudique : 1h23m15).
L'aménagement des pulsions :
Pour toutes une partie des pulsions, notamment celles qui correspondent à des besoins un peu moins immédiats (les pulsions orales, anale, urétrale), tout en restant des pulsions acceptables, un simple aménagement suffit. Un aménagement cela signifie que l'on ne mettra pas en actes ce qui nous permettra de résoudre ces pulsions de manière brute, primaire. On ne transforme pas l'acte permettant la résolution pulsionnelle en lui même, mais on aménage les circonstances de cet acte de manière à le mettre en adéquation aux règles culturelles. Par exemple, pour la pulsion orale on va manger selon des règles culturellement établis, en général on ne se précipite pas sur la nourriture en l'absorbant de manière goulue, salissante et sans en laisser aux autres. Cela est vrai, je pense, dans quasiment toutes les cultures humaines. Ce peuvent donc être des rituels qui permettent d'aménager les pulsions. Pour les pulsions annale et urétrale, l'aménagement consiste en général, mais là encore cela dépend des cultures, à aller dans un endroit coupé du regard des autres pour déféquer ou uriner. Cela peut paraître simpliste comme vision de l'aménagement pulsionnel, mais c'est en fait très important.
Cet aménagement de la résolution pulsionnelle demande donc une mise en suspens de l'enjeu pulsionnel en nous pour pouvoir le différer et trouver les conditions adéquate pour résoudre cette pulsion en accord avec les règles culturelles. Cette mise en suspens de l'enjeu pulsionnelle je l'appelle la répression transitoire (ou temporaire) de la pulsion. C'est un mécanisme adaptatif qui est à la base de ce qui nous permet de transformer les modalités de résolution d'une pulsion en nous. La pulsion d'interpellation ou d'expression, La pulsion d'agrippement , la pulsion de déplacement, la pulsion d'agrégation ou d'agroupement, etc. demandent elles aussi un aménagement pour pouvoir se résoudre.
La pulsion sexuelle va elle aussi nécessiter des aménagements. Généralement on se soustrait aux regard des autres, et selon les cultures, la séduction, la parade et l'acte sexuel répondent à des rituels et des règles assez clairs. La masturbation est une certaine forme d'aménagement de la pulsion sexuelle en cas d'absence de partenaire. Dans certains cas cette pulsion nécessitera aussi une sublimation.
De la même manière la pulsion agressive peut être soit aménagée, comme quand elle est encadrée dans des sports de combats avec des règles strictes, avec un arbitre et un public, ou quand elle s'exprime oralement sous forme de joute verbale. Mais elle pourra aussi être sublimée.
La sublimation des pulsions :
Pour toute une autre gamme de pulsions qui sont moins acceptables dans leur réalisation brute, la mise en place d'un mécanisme de sublimation s'avèrera nécessaire pour pouvoir continuer à garantir l'instinct sous-tendu par cette pulsion mais sans utiliser l'objet classique de satisfaction de cette pulsion. Le premier niveau de sublimation est la symbolisation. Le fait de mettre en parole, est un certain niveau de symbolisation. C'est une manière de faire exister en nous quelque chose sans forcement qu'il soit concrètement présent ou agit. Symboliser une chose c'est la faire exister de manière abstraite en la représentant par quelque chose d'autre. Cela peut être un mot, une image ou tout ce qui peut être une représentation, comme les créations artistiques, comme des films, des danses, dont un exemple serait la capoeira pour la pulsion agressive. C'est une danse mêlée avec un art martial, parfait exemple de sublimation de cette pulsion. On mime l'agressivité, la confrontation, le combat, mais sans jamais se toucher ou s'agresser. Et cela devient une coopération dont le résultat est qu'ensemble, à égalité, on produit quelque chose de beau. D'autres créations artistiques peuvent aussi être des espaces de sublimation potentiels de la pulsion agressive, par exemple une joute poétique, une pièce de théâtre mettant en scène une confrontation ...
Le deuxième niveau de sublimation est une manière de créer un enjeu positif reprenant les rouages de la pulsion. Positif en ce sens qu'il n'est réellement délétère pour personne et qu'il peut apporter une certaine satisfaction. Pour la pulsion agressive encore il y a par exemple la compétition. Toute forme de compétition, sportive, mais aussi dans un jeu où l'on se mesure à l'autre. L'un gagne l'autre perd mais ça ne porte pas à conséquence. En effet le fond de ces activités où l'on perçoit une compétition, même ludique, c'est la confrontation à un autre pour essayer de faire ressortir qui est le plus fort, qui gagne sur l'autre. Sauf que ce qui en résulte n'est pas un rapport de domination totale de l'un sur l'autre, avec son corolaire la soumission, mais un rapport de domination dans un espace très circonscrit, celui de la discipline en question, et dans le cas d'un jeu ce qui en résulte c'est un moment ludique passé ensemble ou l'un à gagné et l'autre à perdu le jeu mais sans que cela n'ai plus d'importance que cela. Et c'est en cela qu'elle sera une sublimation de la pulsion agressive.
Il arrive évidemment qu'un rapport de domination d'une personne sur une ou des autres existe dans la vie quotidienne, et on peut même dire que c'est extrêmement fréquent, beaucoup trop fréquent. Il s'agit là, à mon avis, d'un défaut de transformation de la pulsion agressive par la sublimation. Cependant on peut tout de même observer que nos sociétés ont, avec le temps et dans leur processus évolutif, une heureuse tendance à aller vers une remise en question de plus en plus large de ce rapport de domination de certains sur les autres et donc de l'expression brut voir brutale de la pulsion agressive. Le chemin n'est pas encore abouti et avance lentement, mais cela nous rappelle notre substrat animal et le fait qu'il nous faut travailler à évoluer collectivement pour aller vers plus de sublimation de celles de nos pulsions qui permettent à certains de prendre l'ascendant sur les autres et donc à porter préjudices à ces autres qui se retrouvent alors dans une soumission, tolérée ou non. Un autre effet nous montre un échec de la sublimation, c'est quand une activité de compétition devient la réactivation de cet enjeu pulsionnel de domination. Classiquement dans le sport, quand l'enjeu d'être le meilleur, le premier, devient un enjeu quasiment vital et pousse les personnes à des comportements agressifs bruts pour gagner à tout prix (souvent l'argent pousse à cela).
Concernant la pulsion sexuelle, dans les cultures où les relations sexuelles sont soumises à des lois et notamment à la loi du consentement mutuel (oui ça parait fou mais il existe encore des cultures où ça n'est pas le cas), alors la pulsion sexuelle nécessitera dans certaines circonstances, notamment quand il n'y a pas consentement d'une ou d'un partenaire, un niveau de transformation plus importante que l'aménagement. En effet l'aménagement signifie qu'il y a acte sexuel, face à l'absence de possibilité d'agir la pulsion sexuelle il sera important de pouvoir sublimer cette pulsion quand elle s'activera chez une personne. Cela permet de supporter l'absence de résolution de la pulsion sexuelle par un coït, sans pour autant se couper totalement de cette pulsion. Certaine danses peuvent être des sublimation de cette pulsion sexuelle, au même titre que d'autres créations artistiques plus ou moins explicites. Freud à beaucoup montré comment les rêves pouvaient être des sublimations symbolique de la pulsion sexuelle.
C'est le cas aussi de la pulsion d'appropriation. Dans son expression brute elle a tendance à favoriser la loi du plus fort (qui est en fait une non-loi ou une anti-loi) : « Je suis le plus fort donc c'est à moi ça !!! Tu as quelque chose à redire ? »
On observe alors la possibilité de transformer cette pulsion en l'aménageant : comment gagne-t-on le droit de s'approprier quelque chose ? Ou par la sublimation : se réaliser en misant sur des richesses autre que matérielles, lutter contre sa propre avidité en misant sur le partage des biens, etc.
Sujet brulant en ce moment, signe que cela évolue !
En observant minutieusement nos rituels et activités diverses ainsi que les pulsions listées ci-dessus il n'est pas difficile de pister ce qui serait des sublimations de nos pulsions. La photographie pour la pulsion scopique, le ball-trap ou le tir pour la pulsion de destruction, etc.
Le refoulement pulsionnel :
Enfin il y a toutes les pulsions qui sont en inadéquation totale avec la vie sociale, à tel point que l'idée même d'avoir ces mouvements pulsionnels en soi, ou savoir qu'un autre les a en lui, pourrait nuire aux relations, à soi même et aussi aux autres, tellement l'image de l'autre ou de soi en serait détériorée. Autrement dit, ces motions pulsionnelles si elles étaient conscientes et exprimées librement nous mettraient en difficulté dans notre inscription dans le groupe, dans notre image de nous même et dans notre rapport à nous-même dans le groupe. Par exemple les pulsions de destruction, les pulsions sexuelles dirigées vers certains type de sujet ou d'objet interdits, inacceptable (pédophilie, nécrophilie) ou agit de manière inacceptables (viol). En général cela concerne toutes les pulsions qui aboutissent à la destruction physique ou psychique d'un autre, ou à l'atteinte de son intégrité ou encore qui place l'autre dans une situation ou son humanité serait niée ou son statut de sujet annulé.
Ces pulsions-là vont subir la loi de l'inacceptable. Elles vont alors être traitées en nous par un dernier mécanisme qui a été découvert et théorisé par Freud encore, le refoulement. C'est à dire qu'elle vont être retirées de la conscience et être enfermées dans une partie de l'inconscient assez hermétique. Plus exactement une partie de ces pulsions va être enfermé dans une partie hermétique de notre inconscient. Car en effet ça n'est pas toute la pulsion qui est inacceptable, mais l'objet investit pour atteindre le but de la pulsion. C'est à dire la manière, le chemin, utilisé pour arriver à l'apaisement de la tension interne, moteur de l'enjeu pulsionnel. Par exemple dans la pulsion de destruction, qui est à la base de la violence, le meurtre est inacceptable, et l'envie de meurtre est refoulée, alors que les coups sont interdits, et ils seront plutôt sublimés, ils deviendront un sport de combat encadré, ou des jeux où on se bouscule.
C'est donc une certaine partie de la représentation pulsionnelle, l'objet et la modalité d'apaisement de la tension interne, qui va être refoulée, enfermée dans une partie hermétique de notre inconscient, au point que l'on ne pourra savoir que cette partie de ces pulsions sont présentes en nous et chez les autres. Et c'est le but du refoulement, nous protéger de la prise de conscience de ces modalités de résolution de ces pulsions en nous. On peut faire l'hypothèse sérieuse qu'elles sont bien présentes chez tout le monde mais qu'elles ne peuvent pas émergées à la consciences tant le refoulement est efficace.
Le refoulement est donc un mécanisme complètement adaptatif, c'est à dire qu'il nous aide en nous protégeant de certaines motions pulsionnelles inacceptables. Pour Freud, le refoulement est à tel point important qu'il estime que, quand ce refoulement échoue en partie, le retour du refoulé dans la conscience nécessite une réaction d'urgence de l'appareil psychique pour faire avec ces motions pulsionnelles inacceptable en les brouillant et en faisant ce qu'il appelle alors une formation de compromis dont l'effet visible sera un symptôme névrotique. Ça serait une sorte de re-transformation d'urgence pour gérer le conflit intrapsychique entre la pulsion inacceptable qui revient et ce que nous avons intériorisé comme loi ou règle culturelle qui rend cette pulsion inacceptable (la lutte entre le CA et le SURMOI).
Cependant là encore l'exigence de refoulement face à certaines pulsions en nous dépend du contexte culturel. Par exemple, le meurtre comme résolution de la pulsion de destruction est inacceptable dans un espace social, ou collectif, car sinon cela signifierait que chacun serait en danger d'être détruit selon le bon vouloir d'un autre. Cette modalité de résolution de cette pulsion doit donc être refoulée. Mais il y a des cultures où elle reste acceptable dans certaines espaces relationnels. Plus généralement, elle redevient socialement acceptable en temps de guerre. En effet dans ce contexte, détruire l'ennemi est alors incité, le meurtre est favorisé. Cette variabilité de l'acceptabilité du meurtre comme modalité de résolution de la pulsion de destruction peut d'ailleurs créer chez certains sujets, une fois la guerre terminée des conflits internes entre ce qui est redevenu inacceptable et ce que le sujet à fait durant la période de guerre, favorisant alors la création de symptômes psychiques comme décrit précédemment.
Là où je diverge de Freud, c'est sur la nature des pulsions refoulées. Pour lui, dans le contexte de l'époque, il semble que le refoulement concerne surtout les pulsions sexuelles (de cela je ne suis pas très sûr), or je pense que le refoulement peut concerner une plus grande variété de pulsions, et cela dépendra grandement du contexte culturel et de la situation du moment.
De plus si je partage pleinement ces notions freudiennes de ce qui peut créer du symptôme névrotique, il me semble important d'ajouter une autre source de symptôme qui me paraît pertinente et qui, il me semble, a été négligée par la psychanalyse. Ce sont les symptômes qui sont générés par la pérennisation du mécanisme de répression pulsionnelle normalement transitoire que je détaille un peu plus loin.
A ce stade il est intéressant de faire un petit point sur ce qu'est l'inconscient ou plutôt ce que sont les inconscients :
Freud à son époque a fait connaître l'idée de l'inconscient et l'a popularisé. Il nomme alors le fait qu'il y a des éléments en nous, dans notre appareil psychique, dont nous ignorons la présence, dont nous ne sommes pas conscient. Pour lui cet inconscient contient les pulsions (le ça) car elles sont socialement inacceptables et du coup psychiquement pas soutenables et notre appareil psychique vient donc les encapsuler dans l'inconscient grâce au mécanisme de refoulement. Les représentations de ces pulsions ne nous gênes alors plus et leur effet est nul sur nous et notre comportement. Il définit deux espaces distincts à côté du conscient, le préconscient et l'inconscient. Il sont une forme de continuité, l'inconscient contient ce qui est inaccessible en nous, le préconscient contient ce qui ne peut pas être tout le temps à la conscience mais qui peut facilement venir à la conscience en cas de sollicitation. La barrière du refoulement est donc entre le préconscient et l'inconscient. Et pour que quelque chose passe de l'inconscient au conscient il lui faut d'abord aller à l'encontre de cette barrière qu'est le refoulement, pour arriver au sein du préconscient. De là il pourra émerger à la conscience. Le préconscient est alors une zone de transition clé de l'appareil psychique entre le conscient et l'inconscient.
Depuis on a avancé dans la compréhension de notre fonctionnement psychique et le champ de l'inconscient c'est passablement élargit. Aujourd'hui on a une définition plus large de l'inconscient : l'inconscient c'est tout ce qui n'est pas conscient.
Ainsi la définition de l'inconscient passe de "réservoir des pulsions inacceptables" avec Freud, à "une des manières d'être en contact avec notre monde interne et ce qui s'y passe".
L'inconscient c'est ce qui n'est pas conscient : cela ressemble à une lapalissade et pourtant cette définition me parait plus juste car elle permet de penser cet espace psychique dans toute ses dimensions. C'est pour cela qu'il me semble plus pertinent de parler des inconscients.
On a découvert qu'environ 80% des opérations mentales et psychiques s’opèrent en nous hors de notre conscience. Notre cerveau bosse en grande partie sans que nous n'en ayons conscience, car ce qui nécessite le plus d'énergie au cerveau c'est le fait de mettre à la conscience des représentations ou des opérations mentales. Donc une grande partie du travail de notre mental, de notre appareil psychique, est inconsciente. C'est une première part de l'inconscient, comme un inconscient mental.
Il y a ensuite la part de l'inconscient sollicitable : c'est le préconscient freudien. Ce qui se trouve dans cette partie de l'inconscient est très facilement convocable dans le conscient. Il suffit de le solliciter. En général ce passage vers le conscient se fait par association. Cela concerne les savoirs divers et variés, les pensées qui sont accessibles et les représentation acceptables. L'information importante est le fait que le passage entre le pré-conscient et le conscient se fait facilement. C'est une sorte d'inconscient mnésique.
Le préconscient donc, contient tout ce qui ne peut être constamment présent à la conscience, mais qui peut y venir facilement, en général par association d'idée, quand quelque chose de notre environnement ou d'un échange avec quelqu'un l'appelle par association. Faisons une analogie informatique, si ce qui apparait à l'écran est le conscient (je peux en voir le contenu maintenant), alors tout les dossiers et fichiers qui n'apparaissent pas à l'écran dans l'immédiateté mais que je peux éventuellement y faire apparaitre seraient le préconscient, et tous les fichiers cachés seraient l'inconscient, impossible à faire apparaître à l'écran sauf avec une autorisation ou une connaissance technique spécifique. Les instincts, les pulsions, les émotions, les réflexes, les perceptions seraient le programme de bases qui permet de faire fonctionner la machine, la culture dans laquelle on grandit serait l’environnement (windows 10, mac OS X ou Ubuntu) et enfin la manière dont va s'organiser l'ordinateur, les fichiers les dossiers les programmes installé les images utilisée etc. serait la personnalité propre à chacun. (Je rappelle que cette comparaison à l'informatique est ici une analogie et non une comparaison ou une manière de dire que notre cerveau et notre appareil psychique serait comme un ordinateur). Ce qui est dans le préconscient n'est donc pas protégé par la barrière de l'inconscient. En effet le but de l'inconscient est de maintenir des représentations hors de la conscience pour protéger le sujet lui-même de leur effet négatif sur lui et son rapport à lui-même en lien avec les règles et représentations culturelles.
Il y a ensuite l'inconscient freudien, géré par le refoulement. Cette part des représentations qui doivent absolument être retirées de la conscience car ce sont des pulsions et représentations inacceptables socialement. Sachant que d'après moi la plupart des pulsions sont acceptables si elles sont aménagées ou transformées. Le refoulement est le mécanisme qui met des représentations pulsionnelles dans cet inconscient. En général cela concerne des pulsions sexuelles, agressives et de destruction inacceptables (mais il y en a peut-être d'autres). Le passage de cet inconscient à la conscience est difficile, protégé par la barrière du refoulement.
Un autre inconscient est intéressant à repérer, c'est un inconscient protecteur, On pourrait l'appeler l'inconscient janetsien, car c'est Pierre Janet qui l'a décrit au début du XXème siècle. C'est celui qui nous protège de certaines inscriptions mémorielles traumatiques trop douloureuses, dont le processus d'entrée est la dissociation. Elle retire de la conscience certaines parties des souvenir traumatiques pour nous protéger de leurs effets délétères par la souffrance qu'elles peuvent créer au quotidien.
Enfin, comme décrit précédemment, il y a ce qui pour moi est à l'origine des symptômes névrotiques, cette part d'inconscient précaire créée par ce que j'appelle la répression psychique pathogène. Ce mécanisme par lequel vont être maintenues dans le préconscient des représentations pulsionnelles embarrassantes et rendues intraitables psychiquement par l'aspect insupportable qu'elles représentent pour le milieu social où grandi un individu.
Mais avant d'évoquer ce phénomène symptogène, il me faut détailler cette faculté interne et transitoire, la répression psychique temporaire de la pulsion, qui permet de suspendre momentanément l'enjeu pulsionnel en nous pour pouvoir apprendre à transformer les pulsions.
Le rôle de la répression pulsionnelle transitoire
Dans les mécanismes psychiques qui permettent l'adaptation des modalités de résolution des pulsions, il y a plusieurs temps dont le premier est la suspension de la recherche de la résolution pulsionnelle. Dans le domaine psychique on appelle cela la capacité à « secondariser ». Par opposition à une réaction immédiate dite « primaire », qui ne laisse pas le temps d'une élaboration. C'est le mécanisme à la base de ce qu'en psychanalyse on appelle « le renoncement à la réalisation directe des buts pulsionnels ». René KAËS évoque le fait que ce renoncement sous-tend les l'alliances inconscientes à la base de toute vie en société, de toute mise en groupe. Ces alliances inconscientes reposent sur trois interdits fondateurs, l'interdit de l'inceste, l'interdit anthropophage et l'interdit du meurtre (René KAES, « les alliances inconscientes », Dunod, collection psychisme, 2009, p. 54).
La mise entre parenthèse du but pulsionnel et de la recherche de sa réalisation immédiate sera un préalable indispensable à la possibilité de transformer la modalité de traitement de nos pulsions en nous (secondariser), condition nécessaire à la coexistence au sein de grands groupes sociaux. Deux facultés permettent cela : la tolérance au déplaisir et la tolérance à la frustration. Il faut supporter le déplaisir que procure cette tension sans se sentir mis en danger par cette sensation désagréable et il faut supporter la frustration de ne pas obtenir le plaisir qui nous guide, dans l'enjeu pulsionnel, vers l'apaisement de la tension interne. Cette mise en suspens et le fait de le supporter permettra de convoquer nos facultés mentales, cognitive, psychiques, pour générer l'adaptation des modalités de résolution de la pulsion (aménagement, sublimation ou refoulement) en fonction de l'exigence culturelle, groupale.
Cette mise en suspens de l'enjeu pulsionnel correspond exactement à ce que j'appelle la répression pulsionnelle transitoire.
Or une fois l'adaptation de la modalité de résolution de la pulsion mise en place, la répression de la pulsion est levée pour que puisse s'appliquer la nouvelle modalité de résolution de la pulsion. La pulsion peut alors, grâce à l'adaptation de la modalité de sa résolution, faire son boulot chez le sujet concerné et agir de manière à garantir l'instinct qu'elle vient servir. La répression de la pulsion est alors transitoire, temporaire.
Il est fondamental que la suspension de la résolution pulsionnelle soit levée dès que c'est possible, car cette dernière met en gèle tout l'enjeu pulsionnel dans un espace psychique précaire. On peut d'ailleurs observer que petit à petit la nouvelle modalité de résolution pulsionnelle intégrée, socialement adaptée, va prendre la place des modalités de résolution non adaptées. Avec le temps il n'y aura plus nécessité de réprimer la pulsion pour mettre en place la nouvelle réponse. La réponse apprise devient petit à petit automatique. La répression transitoire de la pulsion n'est alors plus nécessaire. La pulsion est résolue autrement. On peut dire que c'est un des enjeux majeur de l'éducation et du fonctionnement de l'appareil psychique.
Cette répression transitoire de la pulsion doit être levée pour que soit gérée cette pulsion en nous, car si cette suspension se prolonge par manque de possibilité de transformation, nous en détaillerons les raisons possibles au chapitre suivant, alors cela provoque une répression durable de la pulsion, qui ne peut alors plus trouver de voie de résolution et peut ainsi créer des symptômes psychiques par deux phénomènes différents que je vais détailler plus loin.
A suivre ...